Les syndics ne cessent de courir après les factures impayées. D’après une étude inédite réalisée par Bellman, environ 90 % des copropriétés font en effet face à un ou plusieurs mauvais payeurs dans la communauté. Ces copropriétaires peu scrupuleux, en difficulté financière ou les deux à la fois, accumulent environ deux milliards d’euros d’impayés, soit environ 20 % du budget moyen des immeubles. Et alors que la guerre en Ukraine provoque une explosion des prix de l’énergie, et une accélération des surcoûts pour les travaux de rénovation… Il est à craindre que les copros ne connaissent de plus en plus de difficultés à boucler leurs budgets au cours des prochains mois. “Non seulement, alors que le coût de l’énergie, les copros doivent payer leurs charges de base, mais elles doivent aussi lancer de nouveaux appels de fonds du fait des impératifs de rénovation énergétique. Nous ne sommes qu’au début du massacre », s’alarme Émile Hagège, le directeur général de l’association des représentants de copropriété (ARC).
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Bellman, pour connaître l’état actuel des copropriétés dans ce contexte, s’appuie sur des informations publiques, agrégées en avril 2022 dans le registre national des copropriétés (RNC). Ce registre, obligatoire pour les copropriétés, recensait un peu plus de 519.000 immeubles en mai 2022. Soit probablement autour de 70 % du total des copros en France, dont le nombre est estimé entre 700.000 et 800.000. Parmi les immeubles recensés dans le RNC, 257.000 contiennent plus de dix logements. Bellman a donc isolé cet échantillon, tout en laissant de côté les copropriétés n’ayant pas renseigné leurs charges et/ou impayés. Bellman a enfin retiré les immeubles jugés trop atypiques, c’est-à-dire dont les niveaux de charges se révèlent bien plus élevés que les standards locaux. Pour les puristes en mathématiques, le syndic n’a ainsi conservé que les biens dont les charges sont encadrées par la médiane départementale, plus ou moins trois fois l’écart-type des différences de charges constatées d’un immeuble sur l’autre. Au total, 196.000 copropriétés ont finalement été passées au crible, soit 76 % des immeubles de plus de 10 logements enregistrés au RNC.
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Des villes beaucoup plus impactées par les impayées que d’autres
Bien que la majorité des copropriétés soient confrontées un jour ou l’autre à des impayés de charges… le problème est plus critique dans certaines communes que dans d’autres. Voilà pourquoi Bellman a affiné ses statistiques, et est en mesure de présenter le niveau moyen d’impayé dans 50 grandes villes. Pour donner une idée précise de ce que les sommes en jeu représentent, le syndic a “traduit” ces impayés en nombre de mois de budget pour la copropriété. Pour des questions de transparence, nous avons précisé dans chaque ville la représentativité de l’échantillon, c’est-à-dire le ratio entre le nombre de copropriétés étudiées par Bellman et le nombre total de copropriétés dans la commune.
Parmi les villes où les copropriétés sont les plus en difficulté, on trouve ainsi Saint-Denis, en Île-de-France (où les impayés enregistrés sont équivalents à 18 mois de budget des copropriétés en moyenne !), Saint-Denis de la Réunion (5 mois d’impayés en moyenne) et Roubaix (4 mois d’impayés). À l’inverse, les impayés sont très faibles au Mans, à Tours et à Angers : dans ces trois communes, ils ne représentent en moyenne qu’un mois ou moins du budget annuel.
Quelques pistes pour prévenir les impayés
Aux yeux de l’ARC, si les impayés ont atteint de telles proportions dans certaines villes, c’est avant tout en raison de l’explosion des charges pendant ces dernières années. “En dix ans, les charges ont augmenté d’environ 50 %. Or, sur la même période, et si l’on exclut l’année actuelle très particulière, l’inflation n’a grimpé que 10-12 %”, compare ainsi Émile Hagège. Le directeur général de l’ARC peste contre les syndics professionnels qui, à ses yeux, ne pratiquent pas assez la mise en concurrence pour faire baisser les devis des copros. “Nous conseillons de réaliser très vite des diagnostics de performance énergétique, afin de voir quels travaux peuvent mener à des économies d’énergie ou non dans l’immeuble”, ajoute de son côté Bellman. La facture d’énergie représente en effet près de 50 % des dépenses des copropriétés en France. “Si des impayés de charge s’accumulent, il vaut mieux éviter les recours judiciaires et privilégier d’abord les échéanciers de paiement. Mais l’idéal, c’est évidemment de ne pas laisser une telle situation s’installer, et réagir très vite face aux premiers impayés”, conclut Bellman.