Publié le 7 juil. 2022 à 11:05Mis à jour le 7 juil. 2022 à 12:08

L’égalité financière des femmes avec leurs homologues masculins est un long combat. Les écarts de salaire dans le secteur privé et en équivalent temps plein atteignent encore 16,8 % entre les hommes et les femmes, selon l’Insee.

Sans surprise, le capital en général reproduit cette discrimination avec un patrimoine financier des femmes inférieur de 15 %. Pire, l’immobilier locatif met en évidence le gouffre entre les deux sexes avec un petit 35 % de femmes propriétaires bailleurs.

Mais les écarts salariaux n’expliquent pas tout…

Les femmes privilégient l’épargne de précaution

Il y a d’abord le comportement d’épargne. Selon une étude plus récente d’Opinionway pour Atland et FundImmo, publiée en 2021, 80 % des femmes se définissent comme des « investisseuses prudentes ». Elles privilégient les placements qui affichent des rendements plus faibles et une exposition au risque plus limitée.

Pourquoi ? Deux facteurs : la faible culture financière et la crainte de faire de mauvais choix. Ce qui pousse les femmes à se désintéresser de certains produits. L’absence de modèles féminins dans la finance participe aussi à leur méfiance vis-à-vis de certains placements. Deux tiers des femmes aimeraient être plus sensibilisées sur ces questions (source : Opinionway).

Investisseuses curieuses

Evitons toutefois une généralisation excessive : sur d’autres actifs à la volatilité extrême, les femmes sont des plus intéressées. Selon une étude menée en 2022 par CapGemini, 47 % des personnes « cryptocurieuses » sont des femmes. C’est d’ailleurs en France que les femmes sautent le plus le pas, puisque, toujours selon cette étude, près de la moitié (45 %) des investisseurs crypto sont des femmes.

En fait, la principale raison de leur comportement d’épargne dit « prudent » s’explique par leurs plus faibles revenus. (On y revient.) Leur capacité moindre les inciterait à la modération en se constituant en priorité une épargne de précaution. Conséquence : c’est un mode d’épargne plus accessible mais moins performant.

Dans le monde du foncier, on a coutume de caricaturer les rôles : « Les femmes choisissent le bien, les hommes investissent. » La réalité en est bien éloignée. L’achat de la résidence principale au sein d’un couple est souvent un projet à deux, cofinancé et qui s’inscrit dans la durée. D’ailleurs, selon une autre étude OpinionWay pour Vousfinancer en 2017, les jeunes couples de 25-34 ans sont 56 % à préférer l’achat à deux au mariage.

Gagner moins, investir moins, gagner moins

Reste que le secteur de l’immobilier locatif est révélateur des inégalités entre les genres. Selon une étude du site de gestion locative Flatlooker publiée en mars 2022, les femmes sont presque exclues de ce type d’investissement. Et les rares femmes qui s’y mettent… gagnent moins ! Leurs revenus locatifs sont inférieurs de 16 % par rapport aux hommes.

Le mal est sans doute plus profond. Si on s’intéresse à la théorie de la finance comportementale, on se rend compte que certains biais cognitifs participent à creuser les écarts entre les hommes et les femmes. Ces dernières reproduisent la même stratégie d’investissement que pour les produits financiers en affichant une plus forte réticence au risque. Elles ont tendance à se positionner sur des biens situés dans des zones moins dynamiques.

Une transmission inégale

Surtout, il est urgent de prendre la mesure de l’appropriation du capital par la gent masculine. Plus que jamais, il est devenu urgent de répartir plus équitablement le capital financier, mais aussi immobilier. L’essai de Céline Bessière et Sibylle Gollac intitulé « Le genre du capital » (La Découverte, 2020) s’est penché sur la question du genre dans le patrimoine et la reproduction des inégalités.

Les sociologues mettent en lumière des pratiques au sein même des cellules familiales qui favorisent systématiquement les femmes lors de la transmission du patrimoine. La loi salique s’applique inconsciemment dans le partage du capital en favorisant la primogéniture mâle. Il est grand temps de déconstruire ce système dépassé et d’assurer enfin une réelle justice dans le partage et le développement du capital indépendamment du genre.

Réponse à la question initiale : non, l’investissement ne doit pas être genré, mais les comportements le sont en conséquence d’inégalités structurelles femmes-hommes.

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