Comme un petit air de vacances en pleine semaine. En avril dernier, Emma a laissé tomber sa routine hebdomadaire pour partir quelques jours dans une jolie maison du Perche, au milieu de la campagne normande. Salles de bains privées dans toutes les chambres, grands espaces, cuisine équipée, wifi performant, et même terrain de pétanque et brasero en extérieur… Tout y semblait pensé pour se ressourcer en famille ou entre amis, loin de l’agitation parisienne. Et pourtant, c’est avec ses collègues de bureau que cette analyste de 22 ans a pris possession des lieux, afin de télétravailler en équipe pendant trois jours. Directement proposé aux salariés par CapHorn, le fonds d’investissement dépendant de la plateforme Anaxago pour laquelle elle travaille depuis janvier, le voyage n’a pas coûté un euro à Emma. “C’est une démarche entièrement organisée et financée par l’entreprise, pour nous permettre de resserrer les liens dans l’équipe et mieux nous connaître”, résume-t-elle, conquise.  

Au programme ? Séances de sport matinales entre collaborateurs, animation cuisine à l’heure du déjeuner, longues balades dans la nature, restaurant en ville… Tout en continuant à télétravailler, à participer à des réunions d’équipe et à organiser des ateliers sur les objectifs de l’année à venir. “C’était vraiment constructif : on a pris nos marques les uns par rapport aux autres, on s’est découvert dans un autre contexte”, estime Emma, ravie d’avoir pu cuisiner avec son manager direct ou discuter de ses ambitions professionnelles dans un cadre plus “posé”. “Même si on se demande un peu à quoi va ressembler le petit-déjeuner ou la vie en communauté avec ses collègues, ça permet au final de casser ce rapport de hiérarchie et de resserrer les liens”. À tel point que quelques semaines plus tard, Emma est à nouveau partie en session télétravail avec sept de ses collègues, dans une maison au bord de la mer. 

“On teste cette expérience pour, à terme, pouvoir la proposer à tous nos collaborateurs plusieurs fois par an”, indique François Santi, associé chez CapHorn et lui-même participant de ces voyages. Dans un contexte post-Covid où ses salariés se croisent plus qu’ils ne se connaissent, le chef d’équipe est catégorique. “Il est primordial de renforcer notre culture d’entreprise, tout en discutant de sujets qu’on n’a normalement jamais le temps de traiter”. Surtout, malgré le coût de telles initiatives – 70 euros par nuit et par personne pour le dernier séjour d’équipe -, François Santi juge l’investissement “nécessaire”. “Je suis fondamentalement convaincu qu’on n’attire plus les nouveaux talents uniquement par le salaire. Ce genre d’avantage est devenu un vrai argument de négociation avec les futurs salariés, c’est un plus”, conclut-il.  

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“Il y a une vraie demande”

Et les start-up, elles, comptent bien surfer sur la tendance. Les différents voyages auxquels a participé Emma depuis son arrivée ont ainsi été intégralement organisés par la société Naboo, créée en octobre 2021 et spécialisée dans ce type d’expériences. Sur son site, l’entreprise propose plus de 200 villas, gîtes ou manoirs en pleine nature, disposant d’un bon wifi et permettant d’accueillir entre trois et quinze personnes. Pour un abonnement de 1,50 euro par collaborateur et par mois, les entreprises clientes peuvent également bénéficier des contacts de partenaires locaux, restaurateurs, chauffeurs de taxi ou même professeurs de yoga, disponibles pour “enrichir et faciliter l’expérience des salariés”. “Pour une organisation simple, nous avons créé une sorte de réseau social d’entreprise, où tous les collaborateurs peuvent se connecter pour indiquer leurs disponibilités et leurs préférences de séjour”, précise Maxime Eduardo, cofondateur et CEO de Naboo. “Un algorithme se charge ensuite de trouver une date qui convient à tout le monde et un lieu disponible”. Sur chaque voyage organisé et pour des tarifs allant de 150 à 400 euros par personne et par jour, la société touche ensuite 15 % des frais de réservation.  

Et son pari semble réussi : un an et demi seulement après sa création, Naboo a déjà levé deux millions d’euros auprès de plusieurs fonds d’investissement – dont CapHorn – et conquis plus de 1000 utilisateurs appartenant à 70 sociétés différentes. “Il y a une vraie demande, car les entreprises ont compris que la relation salarié-employeur évoluait très vite, et s’était renversée. Il faut désormais donner toujours plus de liberté au collaborateur, tout en gardant une certaine culture d’entreprise”, estime Maxime Eduardo. “Il y a un engouement que nous n’avions pas vu venir”, abonde Yacine Bakouche, directeur de Teletravel, société chargée d’organiser des séjours en télétravail récemment lancée par l’agence Best Of Tours. “Les entreprises doivent s’adapter. Elles s’éloignent des vieux avantages type réduction à la salle de sport, pour proposer une nouvelle flexibilité et des projets inédits à leurs salariés”, décrypte-t-il. Alors que, depuis le Covid, les employeurs permettent par ailleurs à leurs équipes de travailler depuis d’autres régions de France, voire depuis l’étranger, l’entrepreneur constate “une forte augmentation de la demande” sur ces séjours entre collègues. “Une trentaine de compagnies” se seraient déjà renseignées ou auraient déjà réservé ce type de voyage auprès de Teletravel, “afin de rassembler, souder et fidéliser leurs équipes, tout en recrutant de nouveaux talents”. 

Donatella, product manager pour l’entreprise de stockage et de logistique Ovrsea, cliente de Naboo, confirme. À 24 ans, ces séjours de télétravail pourraient bien lui donner envie de rester plus longtemps attachée à son poste et à ses collègues. “Ce n’est pas forcément un avantage qui me ferait choisir un poste plutôt qu’un autre à proposition de salaire égale. En revanche, ça me donne un vrai sentiment d’appartenance, et une nouvelle motivation”, développe-t-elle. Il y a quelques semaines, la jeune femme est partie quelques jours à Étretat, accompagnée de trois collègues de travail et aux frais de l’entreprise.  

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Réunions d’équipe le matin, déjeuner dans une crêperie à midi, télétravail, partie de tennis et balades en fin de journée, escape-game et jeux de société le soir… La recette est toujours la même, et fonctionne. “C’était des moments agréables, j’ai eu le sentiment d’avoir le temps. Tout le monde était vraiment concentré sur les réunions et les projets”, résume la jeune femme, qui admet néanmoins avoir été “légèrement dans le rush” en rentrant du séjour. “Evidemment, on perd toujours quelques heures de travail au sens strict du terme… Mais ça a un vrai impact sur la cohésion d’équipe et les projets au long cours. On s’y retrouve”.  

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